La médecine ne doit pas être considérée comme une science exacte. Le facteur humain reste prédominant et il faut toujours garder à l’esprit que le praticien peut commettre une faute ou qu’il existe une part d’aléa dans l’exécution du contrat de soin. Devant le nombre constant de déclarations en lien avec un acte médical, il est apparu nécessaire de créer un régime d’indemnisation spécifique à ce type d’accident.

Erreur médicale

La Loi du 4 Mars 2002, également connue sous le nom de « Loi Kouchner », établit dans quelle mesure la responsabilité du médecin peut être retenue en cas d'erreur médicale. Elle instaure également une indemnisation particulière au titre de la solidarité nationale pour les situations les plus graves. Voici un tour d'horizon des cas de figure prévus par le législateur.

Erreur médicale avec faute du praticien

La Loi du 4 Mars 2002 confirme une jurisprudence ancienne en instaurant un régime de responsabilité pour faute. L'article L. 1142-1 du Code de la Santé Publique précise en effet que les praticiens, ou les établissements où ils exercent, ne sont responsables des dommages en lien avec un acte médical de prévention, de diagnostic ou de soin que s'il est établi qu'ils ont commis une faute. Cela vaut pour les médecins mais également pour tous les professionnels de santé.

  • Chirurgiens-dentistes
  • Sages-femmes
  • Pharmaciens et préparateurs en pharmacie
  • Infirmiers
  • Masseurs kinésithérapeutes
  • Pédicures podologues
  • Ergothérapeutes
  • Psychomotriciens
  • Orthophonistes
  • Orthoptistes
  • Manipulateurs d'électroradiologie médicale
  • Audioprothésistes
  • Opticiens lunetiers
  • Diététiciens

Appréciation de la faute

Le praticien s'engage à exercer sa profession conformément aux données acquises de la science. Vis-à-vis de ses patients, il est tenu d'une obligation de moyens et non de résultat. La faute peut être définie comme tout acte ayant causé un dommage dont les conséquences sont anormales au regard de l'évolution prévisible de l'état de santé du patient. L'analyse est confiée à un expert, lui-même médecin, qui doit se prononcer sur les agissements du professionnel mis en cause. Il détermine notamment si le dommage est en relation directe avec l'intervention du praticien et sans rapport avec un état antérieur.

L'erreur médicale est donc appréciée par rapport à une norme : la responsabilité du médecin est retenue si l'acte de soin n'était pas justifié ou réalisé dans le respect des bonnes pratiques. Il peut s'agir d'une faute :

  • Technique (réalisation de l'acte, prescription médicale…)
  • Dans la relation de soin (absence de recueil de consentement, non-respect du souhait du patient…)
  • Liée à un défaut d'information
  • Dans l'organisation du service (mauvaise orientation, retard de diagnostic…)

L'appréciation de l'erreur médicale est délicate et donne lieu à de nombreuses discussions. Il est fortement recommandé de se faire accompagner par un médecin spécialisé dans l'assistance aux victimes lors de l'expertise.

Contre qui exercer le recours suite à une erreur médicale ?

Selon le cas, le recours est engagé contre le praticien lui-même ou contre l'établissement hospitalier. Le médecin qui exerce en libéral est responsable à titre personnel des dommages causés de son propre fait. En revanche, si l'erreur médicale provient d'une faute dans l'organisation du service hospitalier où il intervient, par exemple, c'est alors la responsabilité de l'établissement qu'il faut rechercher. Lorsque les médecins exercent dans les hôpitaux publics ou en tant que salariés d'une clinique privée, le recours est engagé contre l'établissement hospitalier qui est responsable de leurs actes en tant qu'employeur.

En général, les professionnels de santé sont assurés au titre de leur responsabilité civile professionnelle. Dans le cas contraire, c'est l'ONIAM (Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux) qui intervient à titre subsidiaire comme fonds de garantie.

Le parcours de soins peut être complexe. Il est possible que le préjudice subi par le patient relève d'un enchaînement de causes faisant intervenir divers praticiens et établissements. Dans ce cas, il est nécessaire d'engager un recours contre tous les acteurs. C'est l'expertise qui permet de déterminer la part de responsabilité de chacun.

Infection nosocomiale

Il existe une exception notable au principe de responsabilité pour faute : celle des infections contractées lors d'un séjour hospitalier. La loi du 4 Mars 2002 instaure en effet un régime particulier pour les infections nosocomiales. En vertu de l'article L. 1142-1 du Code de la Santé Publique, les établissements de soin sont responsables de plein droit sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'une faute.

Il est indispensable cependant de s'assurer que l'infection a bien été contractée au sein du service et qu'elle ne provient pas d'une cause étrangère ou d'un état antérieur. L'analyse est réalisée par un expert chargé de comparer les souches bactériennes prélevées chez la victime et dans l'établissement.

Contre qui exercer le recours ?

Devant la responsabilité quasi-systématique des établissements de soin, il est apparu nécessaire d'alléger la charge que cela représente pour les professionnels et leurs assureurs. Le législateur a donc décidé que le coût du sinistre serait supporté par l'ONIAM pour les cas les plus graves. Au-delà d'un taux d'incapacité permanente fixé à 25% par voie d'expertise médicale, l'indemnisation est ainsi prise en charge au titre de la solidarité nationale.

Erreur médicale sans faute du médecin

Il arrive que l'accident médical n'ait pas pour origine un acte fautif mais qu'il soit provoqué par d'autres facteurs. Tel est le cas de :

  • L'affection iatrogène (effet secondaire d'un traitement médical)
  • L'aléa thérapeutique (conséquence non prévue d'un acte médical)

Indemnisation sous conditions

La Loi du 4 Mars 2002 permet aux victimes d'accident médical d'être indemnisées même en l'absence de faute. Plusieurs critères sont toutefois requis.

  • Le dommage doit être directement imputable à l'acte médical
  • L'accident médical a eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible
  • Le préjudice présente un caractère de gravité :
    • Incapacité de travail supérieure à 6 mois
    • Incapacité permanente supérieure ou égale à 25%
    • Un taux de déficit fonctionnel temporaire d'au moins 50% sur une durée supérieure à 6 mois

OU

    • Inaptitude définitive à exercer son activité professionnelle
    • Troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence

L'appréciation est confiée à un expert médical qui étudie notamment la fréquence à laquelle l'affection survient habituellement pour déterminer si elle présente un caractère anormal ou non. Un effet indésirable qui apparaît à la suite d'une intervention chirurgicale dans 2% des cas, par exemple, est considéré comme une conséquence anormale contrairement à une indisposition qui touche 10% des patients.

Intervention de l'ONIAM

Seuls les accidents présentant des conséquences importantes ouvrent en réalité droit à réparation. Puisqu'il n'y a pas de responsable, l'indemnisation est prise en charge au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM.

Les démarches à accomplir si vous êtes victime d'une erreur médicale

La victime d'un accident médical dispose de plusieurs possibilités de recours. Elle bénéficie d'un délai de 10 ans à compter de la consolidation médico-légale pour agir contre le responsable ou l'ONIAM. Quel que soit le cas de figure dans lequel elle se trouve, il lui appartient d'établir la preuve de la réalité de son préjudice et du lien de causalité avec l'acte médical.

Récupérer le dossier médical

La première étape consiste à réclamer une copie du dossier médical et hospitalier complet auprès du ou des établissements qui sont intervenus dans le parcours de soin. Les hôpitaux sont souvent réticents à transmettre ces pièces. Sachez qu'au titre de la Loi Kouchner, ils ont l'obligation de faire droit à votre demande. Ces éléments sont essentiels pour l'étude de votre droit à indemnisation.

Procédure amiable ou contentieuse

Une fois que le dossier médical est complet, vous avez le choix entre plusieurs voies.

  • Saisir la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI)
  • Saisir le Tribunal

La CCI est présidée par un magistrat et regroupe des représentants des usagers, de l'ONIAM, des professionnels de santé, des assureurs ainsi que des experts. Elle peut être saisie par la victime directement à l'aide d'un formulaire CERFA complété par les pièces du dossier médical.

  • Pour les cas les moins graves (incapacité permanente inférieure à 25%), la CCI intervient en tant que conciliateur pour tenter de régler le différend entre la victime et le professionnel ou son assureur.
  • Pour les cas les plus graves (incapacité permanente supérieure à 25%), une procédure de règlement amiable est mise en place. La CCI émet un avis sur le droit à indemnisation de la victime. Lorsque la responsabilité du professionnel est établie, son assureur dispose d'un délai de 4 mois pour faire une offre s'il décide de suivre l'avis rendu. Dans le cas des infections nosocomiales, des affections iatrogènes ou des aléas thérapeutiques, c'est l'ONIAM qui est chargé de présenter l'offre. Attention, si vous acceptez l'offre dans le cadre de la procédure de règlement amiable, vous ne pourrez plus réclamer l'indemnisation devant un tribunal.

En cas d'échec de la procédure engagée auprès de la CCI, vous avez la possibilité de saisir le Tribunal (civil ou administratif selon le cas) pour faire trancher le différend qui vous oppose au professionnel de santé. Vous pouvez également privilégier la voie contentieuse et saisir directement le tribunal sans tentative de résolution amiable du litige au préalable. Les conseils d'un professionnel du droit sont essentiels pour vous guider dans votre choix et définir la meilleure stratégie.

Expertise médicale

Quel que soit le recours engagé, une expertise médicale est nécessaire pour aider la CCI ou le juge à rendre son avis ou sa décision. Le rapport de l'expert permet ainsi de :

  • Vérifier si les critères de gravité sont remplis
  • Rechercher l'existence d'une faute
  • Rechercher si le dommage présente un caractère anormal
  • Établir le lien de causalité entre le dommage et l'acte médical
  • Évaluer le dommage corporel

Indemnisation

La CCI ou le tribunal détermine le droit à indemnisation en fonction des circonstances et des conclusions de l'expert médical.

  • Soit l'accident est à l'origine de toutes les conséquences dommageables. Dans ce cas, la victime est indemnisée intégralement de son préjudice.
  • Soit l'acte médical est venu simplement priver la victime de la possibilité de récupérer le maximum de sa capacité physique. Dans ce cas, la victime est indemnisée partiellement sur la base d'une perte de chance.

Prenons l'exemple d'un retard de diagnostic à la suite d'un accident de la route. Cette erreur a pu aggraver l'état de santé de la victime. Il est impossible de déterminer si toutes les conséquences dommageables auraient pu être évitées. On peut toutefois considérer que la victime a perdu 50% de chance de bénéficier d'une évolution favorable de son état de santé par rapport à l'évolution prévisible dans le cadre d'une prise en charge normale.

Une fois que le droit à indemnisation est fixé, le montant de l'offre est calculé en fonction des conclusions de l'expert médical. L'ONIAM dispose cependant de son propre barème. Celui-ci est consultable dans un souci de transparence. Les sommes proposées peuvent diverger de celles allouées par les assureurs à préjudice égal. Cela s'explique par le fait que l'ONIAM intervient au titre de la solidarité nationale.