Le nombre de blessés suite à un accident de la route est en constante augmentation. Depuis la Loi du 5 Juillet 1985 dite « Loi Badinter », il existe un régime d’indemnisation spécifique pour les victimes d’accidents de la circulation.
Malgré ce dispositif relativement protecteur, il n'est pas toujours facile pour une victime d'accident de la route de faire valoir ses droits. Voici un tour d'horizon du cadre législatif applicable et des démarches à engager. En cas de difficulté, n'hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel qui interviendra auprès de l'assureur chargé de vous indemniser.
Accident de la route : le régime spécifique de la Loi Badinter
Au cours du 20e siècle, le trafic routier a considérablement augmenté. Devant l'explosion du nombre d'accidents corporels et de leur gravité, le législateur a décidé d'instaurer un régime d'indemnisation plus protecteur que le droit commun pour les victimes blessées. La Loi Badinter, adoptée le 5 Juillet 1985, visait dans son intitulé-même un double objectif :
- Améliorer la situation des victimes d'accidents de la route
- Accélérer les procédures d'indemnisation
Le fonctionnement de la Loi Badinter
Le régime protecteur de Loi Badinter est applicable si le sinistre correspond à la définition de l'accident de la circulation. Pour cela, plusieurs conditions doivent être remplies :
- Implication d'un véhicule terrestre à moteur : voiture, moto...
- Accident survenu sur un lieu ouvert à la circulation publique
L'interprétation des tribunaux, notamment sur la définition de l'implication, est assez souple. Le champ d'application de la Loi Badinter s'est ainsi considérablement élargi au cours du temps. De nombreuses situations sont donc couvertes par la Loi Badinter même lorsque les circonstances permettent de douter de la qualification d'accident de la route. Il est donc nécessaire de bien connaître la jurisprudence des tribunaux pour faire valoir vos droits. En ce qui concerne les accidents corporels, la loi distingue deux catégories de victimes :
- Les victimes privilégiées et superprivilégiées : piétons, passagers, cyclistes…
- Les conducteurs des véhicules impliqués
Le droit à indemnisation des victimes privilégiées et superprivilégiées
Le droit à indemnisation des victimes autres que les conducteurs est régi par l'article 3 de la Loi Badinter. Par principe, une victime privilégiée est indemnisée intégralement de son préjudice corporel sans que sa faute puisse lui être opposée.
Seule une faute volontaire ou une faute inexcusable, lorsqu'elle est la cause exclusive de l'accident, peut limiter ou exclure l'indemnisation d'une victime privilégiée. L'interprétation des tribunaux est plutôt favorable aux victimes puisqu'il s'agit d'une faute d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Encore faut-il bien connaître la jurisprudence pour se défendre convenablement.
Pour les mêmes victimes, âgées de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans ou titulaires d'une carte d'invalidité à 80% ou plus, la loi prévoit un régime encore plus protecteur puisque seule une faute volontaire peut avoir une incidence sur leur droit à indemnisation. Les victimes les plus vulnérables sont donc indemnisées intégralement de façon quasi-systématique.
Le droit à indemnisation des conducteurs impliqués dans un accident de la route
L'article 4 de la Loi Badinter régit le cas particulier des conducteurs, pour lesquels une règle spécifique et souvent mal connue donne lieu à de nombreuses discussions. La faute du conducteur a une incidence sur son droit à indemnisation puisqu'elle peut avoir pour conséquence de limiter ou exclure la prise en charge des dommages subis. Il convient cependant d'être vigilant sur l'application de ce texte afin de respecter le mécanisme de la Loi Badinter qui repose sur deux éléments fondamentaux.
- La notion d'implication
- L'indemnisation par principe des victimes d'accident de la circulation
Le raisonnement à appliquer s'affranchit de l'analyse classique des responsabilités. Par principe, un conducteur a le droit d'être indemnisé intégralement de son préjudice corporel par le conducteur d'un autre véhicule impliqué quelle que soit la responsabilité de ce dernier dans la survenance de l'accident. Seule l'implication du véhicule adverse doit être analysée sans qu'il soit nécessaire d'établir une faute de son conducteur.
L'incidence de la faute du conducteur sur son droit à indemnisation
Seule la propre faute du conducteur victime peut avoir une incidence sur son droit à indemnisation. Celle-ci est appréciée indépendamment du comportement de l'autre conducteur. Elle n'aura pour effet de réduire ou exclure l'indemnisation des dommages subis que si deux conditions sont remplies.
- La faute doit être à l'origine du dommage
- La faute doit présenter un certain degré de gravité
L'appréciation du droit à indemnisation s'analyse sans avoir à rechercher la part de responsabilité de chaque conducteur. La plupart des victimes ignorent la façon dont la Loi Badinter est interprétée et certaines personnes pourraient peut-être prétendre à une indemnité sans le savoir. La vitesse ou l'absence de port de casque par exemple sont des fautes au sens du code de la route. Pour autant, elles auront une incidence sur le droit à indemnisation uniquement si elles ont contribué à la réalisation du dommage.
C'est pourquoi il est toujours préférable de soumettre le dossier à un professionnel qui connaît le mécanisme de la Loi Badinter. Il saura engager une discussion avec l'assureur sur le terrain de l'implication et non de la responsabilité.
Que faire en cas d'accident de la route ?
Lorsque l'accident vient de se produire et si la situation le permet, un constat amiable peut être établi avec le conducteur de l'autre véhicule impliqué. Vérifiez cependant que les cases cochées et le schéma correspondent au déroulement de l'accident. Si nécessaire, complétez votre version des faits dans la partie « observations » au recto du constat.
En effet, seule cette partie est susceptible d'être contresignée par l'autre conducteur. C'est donc cette version qui sera retenue dans le cadre d'une discussion contradictoire. Ne signez le constat que si vous êtes d'accord avec la version de l'autre conducteur. En cas de désaccord ou si vous avez le moindre doute, refusez d'apposer votre signature.
Dans certains cas, les forces de l'ordre sont appelées sur les lieux de l'accident. Les services de police ou de gendarmerie peuvent être amenés à établir une main courante ou un procès-verbal. La main courante est un document qui reprend succinctement les circonstances de l'accident de la route et l'identité des parties. Le procès-verbal constitue en revanche une enquête complète.
- Photos
- Croquis de l'accident à partir des relevés faits sur place
- Audition des parties
- Audition des témoins…
En tant que victime, il vous est demandé si vous souhaitez déposer plainte. Ce n'est pas une obligation. Cette décision vous appartient et n'engage que vous. Les poursuites pénales sont déclenchées à la discrétion du Procureur. Le dépôt de plainte vous permet d'être informé d'une éventuelle audience pénale où vous pourrez vous constituer partie civile si vous le souhaitez.
Cela n'aura aucune incidence sur votre droit à indemnisation qui sera déterminé selon les règles de droit civil. Si vous ne choisissez pas cette voie, vous aurez toujours la possibilité de saisir les tribunaux civils (le Tribunal de Grande Instance en l'occurrence) pour faire valoir vos droits en cas d'échec des démarches d'indemnisation amiables.
Les discussions avec l'assureur
Une fois votre déclaration adressée à l'assureur, une discussion va s'engager sur votre droit à indemnisation. Selon la gravité du préjudice corporel, l'assureur chargé de vous indemniser est soit votre propre assureur qui agit alors pour le compte du tiers (blessures légères laissant subsister une atteinte à l'intégrité physique et psychique inférieure ou égale à 5%) soit l'assureur de la partie adverse (blessures plus importantes).
Le raisonnement ne doit pas porter sur la part de responsabilité de chaque conducteur mais sur les notions d'implication et de gravité de la faute commise par le conducteur victime, le cas échéant. Il existe des conventions qui règlent les recours entre assureurs (convention IRCA pour les préjudices corporels). Ces derniers peuvent être tentés de calquer la solution retenue en convention à votre cas particulier.
Sachez que les conventions ne sont pas opposables aux victimes d'un accident de la route. Dans tous les cas, votre droit à indemnisation doit être analysé à la lumière de l'article 4 de la Loi Badinter. Il faut avant tout veiller à ce que cette règle soit respectée.
Le tiers non assuré ou non identifié
L'assurance des véhicules automobiles est obligatoire. De plus en plus de conducteurs circulent cependant sans être assurés. Lorsque l'accident de la route implique un tiers non assuré, l'indemnisation est prise en charge par le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages.
La discussion sur le droit à indemnisation repose sur les mêmes bases qu'avec un assureur puisque le Fonds de Garantie intervient à titre subsidiaire. Ce dernier se retourne ensuite contre le tiers qui devra rembourser sur ses deniers personnels les conséquences préjudiciables de l'accident.
Il arrive que le conducteur adverse prenne la fuite et qu'il ne soit pas possible de le retrouver. Le Fonds de Garantie interviendra à titre subsidiaire à condition que l'implication d'un tiers puisse être démontrée. Il est donc nécessaire de récolter des preuves (témoignages essentiellement) dans les suites immédiates de l'accident pour espérer obtenir une indemnité.
Procédure d'offre suite à un accident de la route
La Loi Badinter a vocation à accélérer le délai dans lequel les victimes d'accidents de la route sont indemnisée. C'est pourquoi il a été instauré une procédure d'offre spécifique, encadrée par des sanctions dissuasives pour les régleurs qui ne respecteraient pas les dispositions prévues par l'article L211-9 du code des assurances (anciennement article 12 de la Loi Badinter).
L'assureur ou le Fonds de garantie dispose d'un délai de huit mois pour présenter une offre d'indemnisation à la victime. Si la consolidation n'est pas acquise à cette date, il peut s'agir d'une offre provisionnelle. Cependant, l'offre doit comporter tous les éléments du préjudice indemnisable même lorsqu'il s'agit d'une provision. Dans tous les cas, le régleur doit donc formuler une offre détaillée qui retranscrit la situation de la victime.
Après la consolidation
Une fois la consolidation acquise, le régleur doit présenter une offre liquidant le préjudice de la victime dans un délai de cinq mois à compter de la réception du rapport médical définitif. L'offre émise doit être complète et suffisante. C'est-à-dire que le régleur doit d'emblée proposer une indemnité correspondant à la réalité du préjudice subi. Les régleurs qui ne respectent pas cette double condition de délai et de quantum sont régulièrement sanctionnés par les tribunaux. Ils doivent alors verser des pénalités.
- À la victime en cas d'offre tardive (doublement des intérêts)
- Au fonds de garantie (15% au plus de l'indemnité) en cas d'offre manifestement insuffisante
L'offre qui ne comporterait pas tous les éléments du préjudice est considérée comme incomplète. Chacune de ces deux sanctions peut s'appliquer à ce cas de figure.
Un délai supplémentaire a été introduit récemment afin de renforcer l'obligation de diligence des régleurs vis-à-vis des victimes. En effet, l'assureur qui reçoit une demande d'indemnisation doit y répondre dans un délai de trois mois.
Si le droit à indemnisation est fixé et si le dommage peut être quantifié, il doit présenter une offre. Sinon, il doit donner une réponse motivée aux éléments contenus dans la demande.
La transaction amiable
Si les discussions avec le régleur s'avèrent constructives mieux vaut dans la mesure du possible privilégier un règlement amiable du dossier. L'indemnisation intervient alors dans un délai plus raisonnable. Lorsque le terrain est propice à la négociation, votre situation particulière est d'ailleurs mieux prise en compte. L'accord est formalisé par un procès-verbal de transaction qui reprend les éléments essentiels de la négociation.
- Droit à indemnisation
- Détail de l'offre
- Créance des tiers-payeurs (CPAM, Mutuelle, employeur…)
- Concessions réciproques le cas échéant
Prenez bien le temps de la réflexion avant de signer ce document qui a la même valeur juridique qu'une décision de justice. Vous disposez d'un délai de rétractation de 15 jours si vous souhaitez dénoncer l'accord. Dans la mesure du possible, prenez conseil auprès d'un professionnel pour savoir si l'offre est acceptable.
Accidents de la route hors circulation : le régime de droit commun
Les accidents de la route ne se limitent pas aux seuls accidents de la circulation. Il existe en effet des hypothèses dans lesquelles aucun véhicule terrestre à moteur n'est impliqué.
Accident de la route impliquant des cyclistes
Lorsqu'une collision survient entre deux cyclistes ou entre un cycliste et un piéton, c'est le droit commun qui s'applique et plus précisément le régime de la responsabilité du fait des choses (article 1242 al. 1 du code civil). Le cycliste est en effet considéré comme gardien de son vélo et il a l'obligation de réparer les dommages causés par celui-ci.
Lorsque le vélo est en mouvement et qu'il y a eu un contact avec la victime, la responsabilité du cycliste est présumée sauf si la preuve d'une faute de la victime ou d'un cas de force majeure est rapportée. Si le vélo n'est pas en mouvement ou s'il n'y a pas eu de collision avec la victime, il faut démontrer que celui-ci se trouvait dans une position anormale pour que la responsabilité du cycliste soit engagée. Le mécanisme de la responsabilité du fait des choses présente un certain nombre de subtilités compte tenu de l'évolution de la jurisprudence. Aussi, mieux vaut vous adresser à un professionnel qui connaît bien ce régime juridique.
Cas des tramways ou des trottinettes électriques
Les tramways qui circulent sur un site propre sont en théorie exclus du champ d'application de la Loi Badinter. La réalité est toutefois plus nuancée en pratique. La plupart du temps, les tramways circulent sur des voies également empruntées par les automobilistes ou les piétons, de sorte que la qualification de site propre est rarement retenue. Le régime favorable de la Loi Badinter va donc s'appliquer pour les victimes d'accidents corporels en cas de collision avec un véhicule automobile, un cycliste ou un piéton.
Le cas de trottinettes électriques fait débat et n'est pas encore définitivement fixé. Les engins motorisés circulant à une vitesse supérieure à 6 km/h sont généralement considérés comme des véhicules terrestres à moteur. Dès lors, ils doivent obligatoirement être immatriculés, assurés et circuler sur la chaussée.
En théorie, la Loi Badinter a vocation à s'appliquer en lieu et place du régime général de responsabilité du fait des choses. Le problème réside dans le fait que les utilisateurs de trottinettes électriques n'ont pas conscience de ces contraintes, notamment l'obligation d'assurance. Devant l'amplification du phénomène et l'arrivée des trottinettes en libre-service, le nombre d'accidents est en constante augmentation et le régime d'indemnisation des victimes est encore fluctuant. Le législateur devrait apporter prochainement des réponses aux questions que se posent les régleurs en réglementant l'utilisation de ces engins.